Janvier 1941 : le décès de Baden Powell

5h45 du matin, nous sommes le 8 janvier 1941, Lord Robert Baden-Powell, 84 ans, décède dans sa maison de retraite à Nyeri, au Kenya.

La sympathique page Facebook kurioses, nutzloses oder einfach interessantes Pfadfinderwissen ("choses curieuses, inutiles ou intéressantes sur le scoutisme" - tout un programme !) a publié le récit des derniers jours de Robert Baden-Powell. Nous te traduisons cet épisode de scoutisme pas si connu. Et en plus, nous te mettons en pied d’article la vidéo de son enterrement ! Vidéo d’époque, en couleur !

La retraite heureuse

Baden-Powell était affaibli depuis plusieurs années. En 1938, il a pris sa retraite avec son épouse Olave à Nyeri, au pied du Mont Kenya. Eric Walker, ancien secrétaire et ami de BP y tenait l’hôtel Aria, et il y avait construit un chalet pour eux deux.

Cette maison de retraite était appelée Paxtu. C’est une allusion à leur Paxhill, domicile de longue date des BP en Angleterre. "Tu" est un jeu de mot. Entre "Tu" en anglais qui signifie "Deux" (two) ou "Aussi" (too) comme le deuxième domicile, et "Tu" en swahili qui signifie "seulement". BP a laissé entendre que ce nouveau domicile n’apportait rien d’autre que la Paix (Pax en latin veut dire Paix).

BP et Olave coulent de joyeux jours au Kenya, loin de la guerre qui ravage l’Europe à partir de 1939. BP y écrit des articles pour le magazine anglais "The Scout". Il dessine et peint beaucoup. Ou va à la pêche, un de ses passe-temps préférés. Il a un animal de compagnie, un daman, un petit mammifère nocturne, qui ressemble à un lapin mais sans queue, des oreilles plus petites et de fortes dents. Olave l’avait acquis pour 5 pences et ils l’avaient baptisé "Hyrie". Bref, la belle vie de retraité paisible loin des bruits et de l’agitation de l’Europe.

La dernière photo connue de Baden-Powell le montre justement avec Hyrie :

La maladie

En Angleterre, des médecins avaient diagnostiqué une maladie cardiaque à BP. Au Kenya, des médecins ont confirmé aussi l’insuffisance cardiaque de BP. Comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, BP subissait aussi un cancer de la peau, sur son visage. BP faiblissait, et à partir de l’automne 1940, il avait compris qu’il ne lui resterait plus longtemps à vivre.

Le 8 septembre 1940, BP a passé une dernière fois le porche de sa villégiature. Il faiblissait alors jours après jour. Il était difficile de le persuader de prendre des soupes ou autres liquides pour améliorer la santé.

Début octobre, Baden Powell peint sa dernière carte de Noël, une tradition attendue par les scouts chaque année. Sur la carte (de 40cm de long quand même), il dessine Hitler, comme emporté par un coup de balais. Il écrit le message :

Ceci est pour vous offrir mes meilleurs vœux de Noel que la guerre puisse offrir, et un nouvel an scintillant de promesses. Après le mal, le bien viendra. Nous devons une statue à Hitler. Il a fait plus qu’aucun homme n’a jamais fait pour consolider notre nation, à la maison comme à l’étranger, et il nous a donné des amis en Amérique et dans tous les pays qu’il a ravagés. Une amitié aussi large aidera à construire la paix mondiale dès que lui et ses nuages de guerre seront balayés.

Ma femme et moi, en tant qu’évacués, nous sommes installés ici au Kenya, dans l’Afrique que nous aimons, et sur le même continent que Peter et Betty, dans leurs contingents respectifs de grands enfants, et où nous espérons que Heather et son mari pourront se joindre à nous après leur service pour la guerre [ce sont les 3 enfants de Robert et Olave BP - NDLR]. Par rapport à vous, éclaireurs et guides, nous sommes plus au centre des choses qu’auparavant, plus près de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, de l’Inde et de l’Est, et pas beaucoup plus loin du Canada et des Antilles qu’en Angleterre. Donc de très près, nous pouvons tous vous regarder à vos services pour la guerre. Ce que vous avez réalisé a très bien été fait. Tenez bon ! "Sleeves up ! And with tails up, go to it to win the war". [On se retrousse les manches pour gagner la guerre !]. Et pour après cela, apporter la Paix, avec de la bonne volonté et du bonheur pour tous.

Cette carte mettra du temps à arriver en Angleterre, les convois entre Afrique et Angleterre étaient longs ... et risqués. Son message sera diffusé dans l’Evening Telegraph à Londres le 8 janvier 1941, une semaine après avoir reçu la carte à Londres. Dans un Londres sous les bombes allemandes, alors que 96 000 personnes dorment encore dans le métro londonien, ce message vaut.

Le 7 novembre 1940, Baden-Powell a écrit pour la dernière fois dans son journal :

J’avais presque envie de dîner. J’ai marché quelques pas avec Christian dans le jardin, assez loin

Après ça, il était trop faible pour écrire ou demander quelque chose à dessiner. Deux infirmières aident Olave les derniers mois dans la prise en charge de son mari malade.

Les derniers instants

A la surprise de tous, BP franchit le cap du Nouvel An. Le 7 Janvier 1941, une des infirmières informe Olave qu’elle ne pense pas que BP passera la nuit. Olave reste assis quelques temps avec lui, puis elle va se coucher. A 2h30, elle est réveillée par Soeur Ray : "il part". Olave raconte :

Je suis allé dans sa chambre, me suis assise sur son lit. Il était inconscient et toujours blanc et mince. Il respirait lentement et par intermittence. Soeur Ray était assises de l’autre côté du lit. Elle prend son pouls : un léger tremblement.

A 5h, Olave est retournée se coucher car elle avait froid.

Je suis réveillée, je frissonne dans mon lit et j’écoute.

A 5h45, Soeur Ray dit doucement :

Il est parti.

Olave demande s’il avait parlé ou ouvert les yeux. La soeur secoue la tête : non sa respiration s’est simplement arrêtée.

Comme il était courant à cette époque, un masque du visage de BP a été pris après sa mort. Il est conservé aux Archives Scoutes en Angleterre.

Les funérailles

Les funérailles étaient prêtes depuis un certain temps déjà. Elles ont été célébrées le 9 janvier 1941 à 15h30, à Nyeri.

Il avait été proposé d’inhumer Robert Baden Powell dans l’abbaye de Westminster. C’est un très grand honneur : cette abbaye est le lieu d’inhumation des rois et reines, et en quelque sorte le Panthéon anglais des personnalités marquantes pour le pays. Cela a été rejeté à plusieurs reprises. Olave voulait l’enterrer dans le cimetière de Nyeri, pour qu’il reste proche d’elle. Olave n’a pas assisté à l’enterrement. Écrasée par la douleur, elle est partie se reposer à 40km de là. Sa nièce (et quasi fille) Christian la représente. Les enfants Peter, Betty et Heather ne sont pas au Kenya à ce moment-là.

Le cercueil a été tiré sur un fut de canon, jusqu’à la tombe, recouvert de l’Union Jack, ainsi qu’un drapeau scout. De la montagne à la tombe, le cercueil a été porté par 8 chefs scouts actuels et anciens. L’appel scout, habituellement sifflé, a été joué à la trompette.

Lire aussi :

L’appel scout

L’appel scout... Ces quelques notes qui permettent à tous les scouts du monde de s’identifier ! On veut rentrer dans un coin de patrouille ? (...)

BP a été enterré avec sa tête orientée vers le Mont Kenya, une montagne qui signifiait beaucoup pour lui.

Le lendemain de l’enterrement, le bulletin scout kenyan raconte l’enterrement dans le détail, minute après minute, avec les noms délégués présents. Bien qu’à l’époque, la guerre sévissait, BP a pu recevoir les honneurs militaires et de nombreuses délégations ont pris part à la cérémonie.

Le plus surprenant est probablement qu’il a des images en couleur du dernier voyage de BP, alors que la prise d’image couleur était très rare à l’époque.

Sur la tombe de Robert Baden Powell, un cercle et un point marque le signe de la maison en signe de piste. Il est écrit "il a fait son travail et est rentré chez lui".

Olave est décédée 36 ans plus tard. Ses cendres ont été enterrées dans la tombe de BP.

Le 12 février 1981, la princesse Margaret inaugure une pierre commémorative pour Robert et Olave Baden Powell dans l’abbaye de Westminster.

Robert Baden-Powell avait préparé un dernier message à publier après sa mort. Un très beau message, référence pour beaucoup de scouts.

Lire aussi :

Dernier message de Baden-Powell

Baden-Powell a écrit cette lettre d’adieu à tous les scouts du monde. Elle devait être publiée après sa mort. Chers éclaireurs, Si par (...)

Le récit très détaillé, en anglais, de l’enterrement de Robert Baden Powell :

PS

Source : kurioses, nutzloses oder einfach interessantes Pfadfinderwissen - Site

Image article : The Guardian

Publié le (mis à jour le )