Depuis que l’homme prend de la bouteille, depuis qu’il s’abreuve à coeur joie, entre mille et un goulots notoires, si j’étais tenu de faire un choix à l’encontre des piliers de comptoirs j’avouerais ce grand mystère, c’est la gourde que je préfère. Fi des bouteilles, flasques et canettes, fi des biberons et autres litrons, c’est la gourde la plus dégourdie !

Tous étiquetés, empaquetés, emplastiqués, tous conditionnés, contrôlés et recyclés ! Ma gourde est encore la plus libre. Couleur gamelle, allure plaies et bosses, les camps l’ont accordée à mon âme. Elle niche dans la poche latérale de mon sac à dos, et reste une fidèle compagne de mes randonnées. Quand par bonheur je trouve une source ou une fontaine, je me fais une fête de sa musique quand l’eau vient frapper son coeur et remplir son ventre. La gourde garde ce côté libre et imprévisible de la vie. Je préfère dépendre d’une source plutôt que d’une bouteille : l’une s’achète, l’autre se cherche.

Nous les scouts sommes de la race des nomades. Nous aimons la vie pour ses rivières, ses chemins et ses forêts. Nous cherchons à vivre intensément en remontant à la source de nos questions. Nous traçons nos choix et nos projets en empruntant la route de nos prédécesseurs. Nous progressons au plus profond de nous-mêmes, en s’aventurant au-delà des frontières et des clairières.

Nos fêtes ne sont pas celles de l’alcool et de la dérision, mais celles des rires et des chansons moissonnées pendant les camps.
Notre bonheur, nos béatitudes, ne se nourrissent pas des palmarès et de la compétition, mais du désir de servir les autres et d’assumer ses responsabilités jusqu’au bout alors que l’envie prend de tout lâcher.

Notre justice ne se satisfait pas de la critique facile et du bon droit. Elle a le goût du pain partagé avec l’inconnu, et du pardon retrouvé au lendemain des crises.
Les palmes de nos victoires ne se dressent pas sur les cris de la violence et le secret des compromis. Elles chantent une paix venue du silence de Dieu ; elles appellent le Christ à venir nous rejoindre dans nos nuits de doute. Sur la route de la foi le bonheur est à celui qui vient à la source, la palme à celui qui tend sa gourde.