1968 : La carte forcée

Editorial du bulletin d’information du Groupe Jacques Cartier - 1968

Source : Archives du groupe Jacques Cartier
Auteur : Lionel Mayeur
Date : 1968

L’accroissement des loisirs, l’engouement pour le nautisme et, il faut bien l’avouer, les nombreuses imprudences passées contraignent les pouvoirs publics à définir une réglementation de plus en plus stricte des embarcations de plaisance, du contrôle des sorties en mer, de l’encadrement des écoles de voile et des centres de formation nautique.

Les premiers textes officiels ont été votés, les modalités d’application s’élaborent, tandis qu’une police spécialement formée à cet effet se met en place afin de faire respecter sur toutes nos côtes les nouveaux règlements.

Sommes-nous bien conscients des conséquences que ces nouvelles mesures vont avoir sur nos activités ?

Il est vrai qu’alertés déjà depuis quelques années nous avons tendance à nous bercer d’illusions, que tout cela n’était pas pour demain.

Or maintenant, c’est pour demain !

L’année dernière le Commissariat National Marin nous a fermement rappelé les normes de sécurité d’age et de compétence auxquelles les unités devaient se conformer pour être en régIe avec notre association. Je me souviens de l’inquiétude des chefs qui, quelques semaines avant le grand camp s’apercevaient avec désespoir qu’ils ne réunissaient pas les conditions requises.

Que sera-ce donc, lorsqu’on exigera les garanties imposées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports ?

Demain, en 1969
ceux d’entre vous qui font pendant les vacances du monitorat de voile dans les centres privés savent déjà que s’ils seront encore acceptés cette année sans avoir à présenter la preuve de leur qualification, ce sera la dernière fois ; un inspecteur de la jeunesse et des sports a pris soin d’en aviser les présidents des cercles nautiques.

Il ne faut pas croire que les bases scout-marines échapperont à cette obligation, sous couvert que leur encadrement est entièrement bénévole, puisqu’il vient d’être justement créé un Certificat d’Aptitude au Monitorat Bénévole de Voile.

Il faut encore moins escompter que nos brevets de Patron ou de Chef de Flottille vont être admis d’autorité avec les compliments des autorités compétentes, alors que les centres de formation les plus sérieusement connus se voient forcés de faire passer leurs propres moniteurs dans des stages agréés afin de leur faire obtenir une carte officielle de qualification.

Demain, non hier.
Au cours de quelques stages de cette sorte, l’année dernière, 1000 moniteurs ont déjà été brevetés. Il est prévu d’en reconnaître davantage cette année.

Chefs marins, qu’attendez-vous ?

Que l’on vous oblige à cesser vos activités, faute d’avoir su faire à temps la preuve de vos capacités ?

Que l’on vous oblige à chercher pour vos bases un spécialiste accrédité, faute de n’avoir pu l’être vous-même ?

Ou bien que vos activités marines ou nautiques ne puissent plus s’exercer que dans des centres étrangers mais régulièrement encadrés ?

Dans tous les cas c’est la mort de votre scoutisme marin et de ce que vous croyez être, avec quel cœur, sa qualité spécifique. A moins que ...

A moins que vous ne releviez le défi.

Une cinquantaine de chefs marins titulaires en bonne et due forme de leur carte de moniteur ou d’aide-moniteur, cela changerait la face des choses. Cela aurait même toutes les chances de donner au scoutisme marin une dimension nouvelle. Ce serait d’abord faire la preuve sans conteste de la qualité de nos chefs. Ce serait ensuite échapper au ridicule d’échouer là où d’autres vont réussir. Ce serait aussi, puisque les cartes de qualification au monitorat seront accréditées dans tous les centres nautiques de France, mettre vraiment nos compétences acquises au service de tous. Ce serait enfin répondre à notre vocation.
Les prochains stages ont lieu à Pâques ...

J’entends bien murmurer les tenants du canot en bois et les pionniers de la méthode contre le risque de la plaisance, l’esprit régatier et les dangers du monitorat spécialisé.

Soit, il y a un risque.

On peut regretter que la jeunesse et les sports se soient davantage préoccupés des écoles de voile que des mouvements d’éducation marine.

On peut regretter...
mais nous en sommes là, et il vaut mieux se battre avec les armes qu’on nous offre que de fuir bêtement.

Sachez quand même de surcroît, que les épreuves prescrites réservent une honorable cotation aux qualités pédagogiques et aux techniques de navigation. Sur ces points nos chefs sont les mieux placés et n’ont rien à renier.

Et puis, entre nous, nous n’avons plus le choix.

Lionel MAYEUR

PS

En 1969 est mise en place une nouvelle réglementation de sécurité des embarcations de plaisance. D’après ce texte, il semble que c’est aussi le cas d’une réglementation Jeunesse & Sports (les suivantes datent de 1979, 1995 et 2001).

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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