40 ans de scoutisme à Charonne (chronique 1924-1933)

Les origines et jeunes années

Voilà le mythe de la genèse du Groupe dans toute la saveur d’un lointain merveilleux, " les Gais Compagnons de Saint Blaise " ...
Avec même un surnom fabuleux pour celui qui dirige les premiers pas, Hathi.
La photo du Groupe en 1925 nous laisse rêver, comme la narration des premiers camps. D’un seul coup tout notre scoutisme est là, le même que nous avons vécu plus tard.
Mais nous mesurons aussi toute l’énergie d’une cheftaine comme Camille Lelièvre pour des débuts tumultueux, et l’importance que notre Groupe, un des premiers à Paris, avait aux yeux des fondateurs des Scouts de France, le Vieux Loup ou Lucien Goualle.
Nous n’oublierons pas le soutien des chefs venus de la 25ème Paris pour nos premiers pas, Bernard Maurer, Joseph et Jean Blaire, Raoul Serène. Nous n’avons pas été ingrats puisque plus tard à leur tour, des scouts de notre Groupe ont été à l’origine de la fondation d’au moins deux troupes : la 108ème en 1936 au " Bon Pasteur ", et la 127ème en 1957, à " Saint Jean Bosco " et que beaucoup de nos chefs ont aussi contribué à l’encadrement d’autres troupes.

1924

Léon Catusse écrit donc dans le " Feu du Conseil " de mai 1948 :

“ Peut-être avez-vous déjà été intrigués par l’inscription que porte le drapeau du Groupe, notre vieux drapeau tricolore “ Scouts de France, les Gais Compagnon? de Saint Blaise ”. Mais vous n’avez sans doute pas poussé l’observation jusqu’à examiner de très près la couleur de la soie beige rose dans les broderies de l’ancien étendard de la 37ème, celui qui vient d’être remplacé, et que nous conservons comme une relique. Vous auriez remarqué que les chiffres n’ont pas tous été brodés en même temps. Dans les dates, le 6 de 1926 est différent du 1, du 9 et du 2. Dans le numéro de la troupe écrit en chiffres romains : XXXVII, les deux premiers X et le deuxième I sont également différents des autres. Pourquoi ? je vous le dirai la prochaine fois si vous n’avez pas deviné. Qui parmi les plus anciens et même les chefs, pourrait donner la clef de cette énigme ? Qui connaît, même vaguement les origines du Groupe ?

C’est cette lacune que je veux essayer de combler pour que les jeunes scouts sachent le passé de notre Groupe, en fixant par écrit la tradition orale, qui finit par se perdre.
Je tâcherai donc de retracer la vie et les aventures de la 37, et de vous faire connaître les hommes et les femmes qui l’ont faite ce qu’elle est : Aumôniers, cheftaines et chefs, au dévouement admirable qui lui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, et l’ont fait marcher, coûte que coûte, à travers les difficultés.

Je voudrais que tous gardent leur souvenir, que nous sachions qui ils sont, lorsqu’ils reviennent chez nous, qu’ils y puissent s’y sentir encore chez eux, et non pas qu’on les accueille avec une indifférence polie, teintée d’un rien de curiosité : “ Qui est-ce ? - un ancien chef. - Ah, bien ”.

Souvenez vous du 20ème anniversaire, vous qui étiez là en 1946. Tous ces messieurs plus ou moins graves, barbus, chauves et galonnés, ce sont vos anciens. Ils ont porté le même uniforme que vous, prononcé la même promesse, chanté les mêmes chansons et dit la même prière.

C’est à eux tous que je dédie cet essai, pour la plus grande gloire du Groupe.
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Il y a environ un quart de siècle, vers 1922, fonctionnait dans la paroisse un cercle d’études. Je fréquentais alors l’école maternelle, et il me souvient avoir vu dans le petit préau de la rue des Haies l’inscription “ Cercle Saint Louis de Gonzague ”. Je ne sais pourquoi ce détail est resté gravé dans ma mémoire. Ce préau est devenu le local de la 37ème et c’est le berceau du scoutisme à Charonne.

On commençait alors à parler du scoutisme catholique, et les Scouts de France étaient fondés depuis un an, par la réunion de trois troupes de Paris, à celles de Lille et du Creusot. L’Aumônier du Cercle qui avait entendu parlé du Vieux Loup et du Père Sevin, y introduisit cette idée, et le Cercle devint une troupe scoute, la XVIème Paris. Voilà donc l’explication de mon énigme du mois dernier : le Drapeau porte toujours le nom de la XVIème, “ les Gais Compagnons de Saint Blaise ”, et l’étendard a subi les modifications nécessaires pour transformer XVI en XXXVII. Ce sont de vraies reliques, bien plus anciennes que le Groupe lui-même ".

" Faire du scoutisme n’était pas alors une affaire des plus aisées ! On ne connaissait pas bien en quoi cela consistait, et la Hutte n’avait pas encore publié une abondante bibliothèque. Il fallait se procurer “ Scouting for Boys ” “ Patroll System ” et autres “ maîtres livres ”, et... les traduire. Comme ce n’était pas à la portée de tout le monde, on faisait sorties et réunions avec “ ceux qui savaient ”, généralement à la 3ème Paris, avec Loup Blanc, secrétaire général de la Fédération.
Les garçons n’avaient pas encore d’uniforme, et les branches n’étaient pas séparées : Scouts et Louveteaux? avaient des activités communes. L’Aumônier, M. l’Abbé Durand, fit appel à Camille Lelièvre, pour diriger la meute. Il y avait à Paris, trois cheftaines en tout, qui devaient trouver par elles-mêmes, sans l’aide d’une expérience confirmée, la façon de conduire des louveteaux ".

Les frères Catusse supposent donc que “ les Gais Compagnons de saint Blaise ” qui sont à l’origine de la 16ème Paris, existaient depuis au moins 1922, issus du cercle Saint Louis de Gonzague. Ils avaient peut-être été créés sous l’influence de Lucien Goualle, " Loup blanc du clair de lune ", fondateur à 14 ans et en pleine guerre, des " diables blancs " (future 3ème Paris) sur la paroisse de l’Immaculée Conception, rue du Rendez-Vous dans le 12ème arrondissement, c’est-à-dire tout proche de Charonne. En 1918, Goualle se regroupe avec les " Intrépides du Rosaire " du 14ème arrondissement (future 2ème Paris) pour fonder les “ Vaillants? compagnons de Saint Michel ". Lucien Goualle joue un rôle important lors de la création, en 1920, de la Fédération Catholique des Scouts de France qui deviendra, en 1932, l’Association des Scouts de France.

" Je vous reparlerai, au début de cette histoire, de la cheftaine Lelièvre. C’est grâce à son dévouement et à sa persévérance que le Groupe a pu se maintenir dans les difficultés de ses débuts. Durant dix ans, elle a formé des louveteaux, faisant de sa meute une des meilleures de Paris : au cours d’un rallie d’Ile de France, un sizenier de la 37 a été classé parmi les premiers signaleurs, et le mât de meute disparaissait sous les rubans des badges. Elle a même dirigé la troupe, en l’absence de chefs, conseillant les C.P. et soutenant la volonté de persévérance de tous.
L’abbé Durand ayant quitté Charonne, le nouvel Aumônier fut hostile au Scoutisme, comme une partie du clergé, qui ne comprenait pas encore l’utilité de ces garçons en kaki. Il annonça donc, un beau jour, que le Groupe était dissous, et le matériel réparti entre des œuvres diverses. Ce fut, vous le pensez bien, un coup dur pour les chefs et les garçons. Par bonheur, Loup Blanc leur indiqua que les Pères Franciscains avaient fondé une troupe dans le voisinage, là ou se trouve actuellement le Bon Pasteur. Il fut décidé de s’y rallier. Cette troupe était la 37ème Paris.

1925

2700 scouts français. Léon Catusse poursuit :
“ En 1925, les Pères Franciscains furent chargés de fonder une paroisse rue de Charonne. C’est maintenant le Bon Pasteur, mais elle s’appelait à l’origine Sainte-Claire d’Assise.
Au mois de décembre, le Père Bernard Villette et André Safforès (Hippopotame maternel) réunirent les premiers éléments de la 37ème, auxquels vinrent se joindre quelques garçons de la 16ème, qui venait d’être dissoute, comme nous l’avons vu (...) Avec eux vinrent les Cheftaines Camille et Yvonne Lelièvre. Loup Blanc, dont je vous ai déjà parlé, présida la première réunion. Le Chef de troupe (on disait scoutmestre : S.M.) s’appelait Xavier Desseigne ; il n’est d’ailleurs pas resté bien longtemps à la troupe ".

La photo de 1925 que nous possédons est très intéressante puisqu’elle est prise au tout début de la 37ème. Les jeunes portent déjà un uniforme inspiré des boys scouts de B.P. Le chef en vareuse à la gauche du Père franciscain pourrait être Xavier Desseigne. André Safforès fut dit-on le premier CP des Alouettes. Est-ce le garçon que nous voyons à la droite des deux cheftaines ? Il porte trois étoiles d’ancienneté, Camille Lelièvre deux étoiles : l’hypothèse assez vraisemblable des frères Catusse serait qu’ils viennent de la 16ème Paris crée en 1922.
On distingue deux CP, et un nombre de scouts qui peuvent effectivement former deux patrouilles. Quels en étaient les noms ? Nous n’avons aucune d’information sur ce points, Peut-être saurons-nous lesquels un jour ?

1926

“ Mais bientôt, le 30 juin 1926, les Franciscains furent remplacés par les Fils de la Charité, qui ne voulaient pas de scouts dans leurs œuvres. La troupe rejoint donc le Père Bernard Villette au couvent franciscain de Fontenay-sous-Bois, tous les dimanche. Il en résulte une bonne et longue amitié avec la 2ème Fontenay, Sainte Claire d’Assise, troupe sœur de la 37, qui a le même foulard que nous, brun bordé de blanc, les couleurs franciscaines vraisemblablement. L’Union Familiale, rue de Charonne, donnait asile en semaine aux réunions de patrouille. Mais les Fils de la Charité, qui ne voulaient pas de troupe chez eux, ne pouvaient en tolérer une à leur porte. La 37 se trouva donc sans foyer !
Ce fut une dure année : pas de Chef, pas de local ! La troupe se maintint grâce à la Cheftaine Camille Lelièvre, qui aida les C.P. Les réunions se faisaient le plus souvent sur les bancs du boulevard de Charonne.

1927

Léon Catusse poursuit dans le Feu du conseil n° 5 de novembre 1948 :
" La 37ème fut affiliée le 11 mai 1927, (ainsi que la meute, fondée en octobre 1926) quand elle était encore rue de Charonne, en présence du chef Scout Général de Salins et du Vieux Loup ".

En effet la troupe a fait ses preuves pendant 2 ans, et peut alors être affiliée selon le règlement à la Fédération des Scouts de France. Les numéros sont attribués en ordre chronologique à l’affiliation. Le nombre de troupes a doublé en 1927.

" L’affiliation eut lieu en même temps que celle de la 38èmeParis, Groupe Saint Dominique. Une curieuse coïncidence faisait ainsi entrer officiellement ensemble dans l’Association deux troupes éloignées dans l’espace (la 38ème étant sur la rive gauche) et de recrutement très différent, et qui, pourtant sont placées sous les vocables de deux saints ayant vécu à la même époque et fondé deux ordres très proches par l’esprit.
Au moment du premier camp - on peut supposer à Pornic puisque pour l’année suivante Léon Catusse parle d’un camp qui " a encore lieu à Pornic " - il y avait enfin un S.M. et de poids : Bernard Maurer, surnommé Hathi du nom de l’éléphant du “ livre de la jungle ”.
Camille Lelièvre, Hathi... Ce sont les deux premiers noms à retenir dans l’Histoire de notre Groupe. Ils lui ont donné l’impulsion qui l’a fait durer jusqu’à la guerre, et c’est toujours d’eux d’abord, que sont heureux de parler des anciens qui se rencontrent. ”

En 1938, Hathi raconte lui-même ses débuts dans le “ journal de bord de la 37 ” (qu’est devenu ce journal ?), extrait repris dans le “ Feu du Conseil ” par Claude Albe en 1951 à l’occasion du 25ème anniversaire de la troupe :
“ Petits frères, ne laissez jamais tomber la 37, le début a été si dur, si long, si incertain... Je pense si souvent à la 37. C’est que j’ai été mêlé à sa vie dès 1925, bien avant d’être désigné par hasard, pour m’en occuper. J’avais soigné en effet, durant le pèlerinage de Rome, un des scouts de la 37 très malade, un des contemporains de Dondoux, d’Issoulet aîné.

Et Léon Catusse raconte :
“ Beaucoup d’entre vous connaissent Hathi. Vous l’avez vu au 20ème anniversaire ; peut-être avez-vous campé à Orgeval ? Mais vous ne pouvez savoir ce qu’il est resté pour ceux dont il a été le Chef Routier au Clan Montalembert " (Le Groupe Montalembert, sis au cercle d’étudiants du 104 de la rue de Vaugirard dirigé par le Père Plazenet comprenait la 25ème Paris qui en un an, en patrouilles, (quel que soit leur âge !) formait des futurs chefs destinés à encadrer les troupes qui se créaient. Les frères Blaire provenaient aussi de cette troupe).
" Hathi était connu dans tout Paris, et quand on nous demandait notre troupe, nous annoncions : 37ème Hathi... Sa bonhomie était réputée, et célèbre la façon dont il racontait l’histoire de la Baleine, de Kipling, qu’on lui réclamait à tous les feux de camp où nous étions.
Mais ce qui le caractérise le mieux, c’est sa générosité et son dévouement inlassable. Il se donnait à tous sans compter, scouts ou malades, les confondant dans le même amour.
Maintenant médecin aux environs de Saint Germain en Laye, il est bien resté le même. Je l’ai vu dernièrement chez lui. Il n’a pas rejoint sa famille pendant les fêtes de Pâques parce que deux malades devaient avoir besoin de lui. Et toujours cette même bonhomie bourrue : il tempête après les malades qui le dérangent, mais n’hésite pas à partir, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il pose une moto pour enfourcher l’autre. Et cela ne l’empêche pas, pourtant, de peser 140 kilos. ”

Léon Catusse poursuit :
" Après ce premier camp, en octobre ou novembre 1927, Monsieur l’Abbé Fabre depuis peu vicaire à Charonne, reçut de Monsieur le curé Montiton la charge de la 37ème , qui retrouvait ainsi, rue des Haies, le local de la 16ème Paris.
Monsieur le Curé de Saint Georges ne m’en voudra pas de faire l’éloge de l’Ermite Grincheux, comme nous l’appelions avec une familiarité respectueuse (bien qu’il ne fut pas grincheux du tout !). Il resta notre aumônier jusqu’en 1936, époque à laquelle il fut nommé premier vicaire à Saint François d’Assise. Curé de Bagnolet pendant la Guerre, il n’y resta que peu de temps pour aller à Saint Georges de la Villette. Saint François d’Assise et Saint Georges ! Il semble que pour lui, si attaché au scoutisme, l’archevêché ait choisi spécialement des paroisses où il se retrouve, si l’on peut dire, en pays de connaissance !
Revenue rue des Haies, la Troupe partagea son local actuel avec la Meute : trois patrouilles : les Alouettes, Ecureuils, Pinsons, laissaient aux Louveteaux la place comprise entre les fenêtres des Hirondelles et des Cigognes actuelles et le mur du côté de la porte. Les Alouettes sont toujours à la même place, les Ecureuils occupaient le coin des Ramiers et les Pinsons, celui des Hirondelles. C’est d’ailleurs la même patrouille qui changea de nom en 1929 ".

On peut penser qu’une ou deux de ces trois patrouilles ont formé la troupe à l’origine. Alouettes, Pinsons ? Deux patrouilles au totem d’oiseaux, ce serait une belle référence au Saint Patron François ! Et que sont devenus les écureuils ?

1928

En Mai, la troupe participe à un grand rallye de Province à Orléans. Mais Léon Catusse poursuit :
" Le camp 1928 eut encore lieu à Pornic, en commun avec la 56ème Paris (Saint Ambroise).
Hathi avait pour assistant à ce moment là, Joseph Blaire, l’aîné d’une famille qui donna quatre chefs au mouvement scout. Son frère Jean fut aussi son assistant, puis chef de troupe chez nous. C’est lui qui écrivit notre chant de Groupe. Il est maintenant aumônier d’une troupe d’Arras.
" Cette année là, les louveteaux ont enfin leur local : la baraque montée par les routiers? dans la cour débarrassée de ses arbres ".
Après apparition en octobre 1927, la reconnaissance de la Route au Groupe a lieu fin 1928. Quatre routiers forment le Clan du Vieux Loup. On pourra s’étonner d’un clan à effectif si réduit, car maintenant il suffirait à peine à une équipe, mais la Route était encore à ses débuts, et on utilisait l’appellation de Clan sans considération du nombre de routiers. Le premier compagnon (chef d’équipe) était André Safforès, le premier CP des Alouettes. "

1929

" C’est au 1er avril 1929, au camp de Pâques de Secteur, à Nainville les Roches, que Hathi remit aux routiers le scalp jaune, vert et rouge, car novices et apprentis routiers n’existaient pas, ni la cérémonie du " départ ".
Faisant allusion à un camp de secteur il serait bon de préciser la position du Groupe dans le District. Les Districts étaient beaucoup plus étendus qu’ils ne le sont aujourd’hui, et Paris Est équivalait presque à la Province Saint Louis, qui a seulement empiété un peu sur les Districts Paris-Centre et Paris-Nord.
Le secteur B, le nôtre, comprenait un peu plus que notre actuel Paris Est II : 17ème, 37ème, 42ème, Montreuil et Bagnolet et, un peu plus tard 84ème. Il s’étendait en outre à la 62ème (Saint Joseph) et comprit aussi vers 1936, la 108ème fondée au Bon Pasteur par des routiers de chez nous. En banlieue, il allait jusqu’aux Lilas, à Rosny et Villemomble. Le secteur A se trouvait au sud du Cours de Vincennes, avec Vincennes et Fontenay.
Le Commandant Lhopital, aide de camp du Maréchal Foch (Lieutenant-colonel depuis la dernière guerre où il avait repris du service actif) était Commissaire de District ; sa femme Cheftaine de District (nous dirions maintenant ACDM), s’étant légèrement blessée au genou à un camp de cheftaines, elle contracta le tétanos et en mourut. Le secteur B prit alors le nom de " Secteur Cheftaine Lhopital " que notre secteur porte encore.
Au mois de mai 1929, les Scouts prennent part au rallye de province d’Ile de France, à Orléans, pour les fêtes du cinquième centenaire de Jeanne d’Arc.
Le camp était monté sur les boulevards qui entourent la ville et cela ne valait pas une bonne clairière herbeuse, ou une couche d’aiguilles de pin.
L’été 1929 amène le groupe dans les Alpes : Saint Michel de Maurienne, Briançon. C’est pour la première fois l’attrait de la montagne qui remplace celui de la mer. Les louveteaux voient avec étonnement de la neige en plein mois de juillet ; et tous raconteront fièrement au retour qu’ils sont allés en Italie : en fait ils avaient fait un pas par delà la frontière, près de Briançon, mais cela ne fait rien, ils étaient bien à l’étranger.
Après ce camp nous fûmes représentés par quatre Routiers au Jamboree de la Majorité, à Birkenhend, le scoutisme avait 21 ans. Ce fut le premier des grands Jamboree qui eurent lieu ensuite tous les quatre ans, sauf pendant la guerre. Les Scouts de France y firent sensation avec leurs aumôniers en soutane, ce qui ne s’était pas vu en Angleterre depuis plusieurs siècles.

Lucien Fabre est toujours aumônier et Bernard Maurer (Hathi), alors interne à l’hôpital de Saint Germain en Laye est scoutmestre. Jean Lapereyre est CT, Joseph et Jean Blaire sont assistants (depuis les débuts de la troupe). A la meute, les cheftaines Lelièvre. Chez les routiers André Saffores, LouisTillet et Denis Gaumé. A l’époque le scoutmestre est à la fois le Chef de Groupe et coiffe le chef de troupe et la cheftaine de meute, qui sont plutôt des assistants : les unités campent ensemble sous sa direction. Il y a 4 patrouilles, les Rouges-Gorges, les Hirondelles, les Alouettes, les Ramiers.

Marcel Catusse, entré à la meute en janvier et petit loup de la sizaine des bruns, se souvient de son voyage en train dans le filet porte-bagages, pour aller au camp des Alpes. Les sacs entre les deux banquettes permettaient de dormir en travers du compartiment. Les sacs à dos n’avaient pas d’armature. A l’époque il n’y avait pas de duvet. Les scouts dormaient sur un sac empli de foin ou d’herbe sèche. La couverture était repliée sur les pieds, les cotés par dessus, le tout maintenu par la ceinture. Les excursions avaient lieu en camion, déjà !...

1930

" En 1930, pas d’évènement bien marquant. Le cycle des fêtes de Jeanne d’Arc se continue par Compiègne, où nous participons à une procession aux flambeaux des plus impressionnantes, et à un grand défilé historique qui a travers la ville pavoisée et décorée de tapisseries, se rend au champ de courses, où nous assistons à une reconstitution de tournoi.
Le grand camp nous transporte en Bretagne entre Saint Malo et Cancale, sous le signe de la pluie. La petite pluie fine de Côtes du Nord ne nous lâche pas, et les routiers adoptent comme uniforme le ciré et le suroît jaune en toile huilée des pêcheurs malouins. Nous avons pu faire de superbes excursions : le Mont Saint Michel, la Rance remontée en bateau de Saint Malo à Dinan, voyage en mer qui épargne peu d’estomac ".

Le camp du 12 juillet au 3 août à Saint Coulomb, est dirigé par Hathi pour les routiers et scouts, assisté de Joseph Blaire et de l’ASM Lapereyre, par la cheftaine Lelièvre pour les louveteaux assistée de trois deux autres jeunes filles. Le prix du camp est de 275 francs, dont 45 francs de voyage. On se souvient d’une tentative de rejoindre le cap Fréhel sur le “ Solidor ”, avec un demi-tour pour cause de mer forte et trop agitée, et toujours en bateau dans le port de Saint Malo, d’un SOS lancé en sémaphore (mais oui, ça sert !), par la cheftaine pour demander du secours : le batelier était complètement ivre...

" Les malades du camp (il y avait pas mal de rhumes) n’oublieront pas le château hanté qui servait d’infirmerie. On y entendait du bruit la nuit et les louveteaux assuraient même que c’étaient des bruits de chaînes.
" (...) Hathi avait emmené la 1èreSaint Germain en Laye qu’il venait de fonder ".
La fin du camp fut un peu attristée par l’annonce, au dernier feu de camp du départ d’Hathi, qui devait en septembre se marier et s’établir Docteur à Orgeval .
A ce camp de Bretagne, l’un des assistants de troupe était Jean Lapereyre, routier à la 25ème Paris, comme tous les chefs que nous avions à l’époque.
Nous étions assez fier à cause de sa prestance physique : au Jamboree de Birkenhead, il avait été choisi parmi tous les Scouts de France, comme le mieux " bâti ", pour incarner le bourreau dans la représentation du martyr de Jeanne d’Arc.
Après qu’il eut quitté le Groupe nous n’avions de lui que de rares nouvelles pour finalement apprendre sa mort, peu de temps avant la guerre.

Après le départ d’Hathi, Joseph Blaire lui succéda, en octobre 1930, avec son frère Jean comme assistant. D’un caractère plus froid, il inspirait peut-être moins d’enthousiasme, mais savait obtenir les mêmes résultats de dévouement et de générosité de la part des garçons. Lié lui-même très fraternellement à celui qu’il avait aidé depuis quelques années, il voulait maintenir son esprit sur la Troupe ; il aimait surtout, quoique scoutmestre, que nous persistions à l’appeler " Assistant ", marquant ainsi que pour lui, le Chef était toujours Hathi. Il nous répéta maintes fois que, lorsqu’il nous quitterait il ne voudrait garder que le titre " d’Assistant honoraire ".
Pendant ce temps, à la Meute, la cheftaine Camille Lelièvre avait pour assistante une étudiante en droit Madeleine Guillon , aujourd’hui madame Joseph Blaire. Ils se sont mariés en janvier 1934, lorsque Jo était prêt à devenir notaire, et ce fut le premier mariage dans le Groupe, (et d’un).
Signalons avant de quitter Joseph Blaire, que par une ironie de la totémisation, lui qui était appelé " Morse " eut le mal de mer en rade de Saint Malo. "

1931

Nous savons peu de chose concernant cette année 1931, sauf qu’un camp (de Province ?) qu’illustre une photo, a lieu à Ormesson à la Pentecôte.

Mais heureusement Léon Catusse nous raconte le Grand Camp :
" Continuant à parcourir la France en zigzag, nous plantions nos tentes, en 1931 dans les Pyrénées. Nouvelle formule pour la 37ème, ce fut un camp mobile : deux semaines sur la côte Basque, deux jours à Lourdes et la fin en pleine montagne.

Après avoir visité Bordeaux en passant, nous débarquions à Saint Jean de Luz d’où un tacot nous menait à Ascain, pays de Loti et des contrebandiers (les louveteaux en entendaient ou croyaient en entendre, touts les nuits sur un sentier qui longeait leur camp). Là nous fûmes reçus par un général anglais qui, au feu de camp, nous déclara être Commissaire de Baden-Powell et commander à quatre cent dix troupes de Londres. Sa grande joie était de voir que son bois brûlait bien !

La foi était si grande en cette région que le village se vidait entièrement à l’heure de la Grand Messe, et le Curé se plaignait de n’avoir pas plus de deux cents hommes aux Vêpres, sur un millier d’habitants !

Ce fut un de nos plus beaux camps, au point de vue pittoresque. Nous avons fort admiré l’architecture ancienne du pays basque, les églises avec leur chœur surélevé d’une vingtaine de marches et leur triple rang de balcons réservés aux hommes (les cheftaines restaient en bas), nous nous sommes enthousiasmés pour les parties de pelote basque, essayant nous-mêmes d’y jouer sous les regards ironiques des pelotaris.

Deux ans après la frontière d’Italie, nous avons vu celle d’Espagne au pont de la Bidassoa, avec ses gardes au curieux bicorne, que nous appelions le chapeau à balcon. Nous avons fait l’ascension de la Rhune, une montagne près de Saint Jean de Luz, où nous avons pu manger sur une table de pierre, à cheval sur les deux pays ! Une ligne gravée au milieu de la table représentait la frontière.

Quittant la côte basque après deux semaines nous gagnons les Pyrénées. Deux jours d’arrêt à Lourdes et participation à la liturgie, Messe à la Grotte et à la chapelle scoute de la basilique, visite de la Source Miraculeuse, procession des malades et émouvante procession du soir aux flambeaux. (Suit une petite description de la ville et Léon reprend) Un aspect du mercantilisme nous a aussi fortement choqué. Ce ne sont partout que boutiques d’objets de piété, style Saint Sulpice, dont les trois quarts des marchands à en croire leurs enseignes, parents de Bernadette Soubirous ; cela semble une vaste exploitation commerciale du miracle. Quelle toute autre impression , par contre, on ressent à la grotte et sur le parvis : une atmosphère de FOI et d’ESPERANCE, au service de la Vierge et des malades.

Après ce pèlerinage, le camp se termine dans la vallée d’Argelès. Les tentes dressées sur une terrasse, dominant de haut la route, entourant la petite chapelle de la Piéta près de Saint Savin, où il y a une vieille église pleine de superbes sculptures, et qui possède également un très vieux Christ de bois d’une beauté rude.

La dernière semaine, agrémentée d’un bel orage dont le bruit se répercute de cime en cime, se passe en randonnée en camion, vers Luz, cité médiévale à l’église fortifiée, Argelès, Cauterets et les cascades du gave, enfin le Cirque de Gavarnie où, malheureusement, la grande Cascade manque un peu d’eau en ce début d’Août, et rebondit à mi-hauteur : d’habitude elle tombe d’un seul jet de la hauteur de la Tour Eiffel.

Les chefs à ce camp vous sont déjà connus : Joseph et Jean Blaire à la Troupe. A la Meute, une nouvelle assistante termine sa première année de scoutisme, Georgette Odoul, qui retiendra plus tard notre attention.

Le grand événement du début du camp fut l’adoubement de notre premier Chevalier de France (il n’y en eut d’ailleurs pas d’autre) André Safforès. Les parrains étaient Jean Blaire, Chevalier de France et la cheftaine Camille Lelièvre. Le cérémonial voulait en effet que deux Chevaliers de France répondent au récipiendaire, et la Scoutmaîtrise, par son choix de Camille Lelièvre pour remplacer le second, voulut lui rendre hommage en reconnaissant ainsi, d’une façon solennelle qu’elle était égale à cette dignité.

A cette époque l’analogie entre la Chevalerie et le scoutisme était si forte au sein des Scouts de France, qu’on donna le titre de " Chevalier de France " à l’échelon le plus élevé de la progression individuelle. Le règlement de 1923 précisait : le Chevalier de France est un scout de première classe comptant au moins deux ans de service depuis sa promesse et ayant donné, depuis lors des gages marquants d’esprit chrétien, de valeur scoute et de persévérance ". Il devait en outre posséder au moins 12 brevets. Il était élu par la Haute Patrouille et les premières classes. Le titre et l’insigne étaient décernés par le commissaire de district.
L’insigne représentait un casque de chevalier brodé en soie jaune sur fond vert, et surmontant l’insigne de première classe. Le Chevalier portait une cordelière blanche et rouge avec 12 badges, double et d’or et quatre pompons avec 18 badges. (Une première classe avec six badges portait une cordelière jaune et verte à deux pompons). Il semble que les Chevaliers furent surtout nommés à l’âge routier. Leur insigne était alors sur fond rouge. André Safforès dû recevoir ce dernier.

Le titre de Chevalier de France fut remplacé par celui d’Ecuyer de France en 1942. Pour être Ecuyer de France d’après " Etapes " de l’édition de 1947, il fallait : " être un scout de première classe fort, viril, capable, qui est dans la patrouille et dans la troupe un exemple d’esprit scout et de joie. Recueillir au vote secret, les trois quarts des voix des membres de la Cour d’Honneur augmentée des scouts de première classe et des Ecuyers déjà reçus. Posséder les brevets d’acolyte, d’évangéliste, de campeur, de guide, d’aide secouriste, de pionnier?, et deux autres parmi main habile, sauveteur, nature, observateur, topographe, messager ou gymnaste. "
L’insigne était une molette d’argent sur un pentagone à fond vert à liseré d’argent. La création des Raiders fit disparaître le titre. Quels scouts de la 37ème furent Ecuyer de France ?

" Après le camp des Pyrénées, la Cheftaine Camille Lelièvre quitta la meute, dont Georgette Odoul devint C.M. En même temps, Joseph Blaire, pour terminer ses études de Droit, confia la direction de la troupe à son frère Jean. "
Joseph Blaire devait écrire en 1936 à l’occasion du 10ème anniversaire du Groupe : " Sur ma cheminée, il y a une bête magnifiquement sculptée dans le bois... Je précise, c’est un morse. Ce sont mes scouts de la 37ème qui me l’ont donné, quand en me mariant je les ai quittés. Mais je ne vous ai pas quittés. Que de bons souvenirs ! Je voudrais avoir le temps d’y rêver ! Pornic, Briançon, Saint Coulomb, Saint Savin, quels chics camps, quels beaux pays, quels bons temps ! Et puis autre chose. N’ai-je pas trouvé à la 37ème le bonheur de ma vie, et mon petit garçon (Louis-René) n’est-il pas absolument le petit-fils de la 37, comme le dit l’abbé ? "

1932

Le 3 janvier, sous la Présidence de Monsieur le curé de Charonne Charmuzy a lieu une " Grande fête d’hiver ". Au programme, morceaux d’orchestre avec violons : Joseph Blaire, Emile Tanugi, Georges Porte, Louis Ponsanel, Emile Acétarin ; violoncelle : Jean Blaire ; piano Cécile Blaire. La meute joue " Tartarin dans la jungle " avec M Tessure, Max Ménager et la cheftaine Odoul. Les chefs, avec Jean Blaire, Raoul Serène, André Schlesser interprètent "les grands garçons ". La troupe avec Louis Tillet, Léon Catusse, Henri Grun, Roger Odoul, Denis Gaumé, Robert Obéron, André Pierre, Max Ménager, Victor Devos, J Muré, Emile Acétarin, Louis Ponsanel, Charles Vray et Robert Guillot jouent " La chevalière et la Marquise ".

Que de talents ! Mais les festivités ne s’arrêtent pas là : le 1er avril salle du Trocadéro, une grande fête des louveteaux est organisée par la Province Ile de France. La meute de la 37 exécute " La danse du lin " avec les autres meutes du district Paris Est II. Le programme est décoré d’une magnifique tête de loup dessinée par Paul Coze.
Oui que de talents ces années là !

Léon Catusse poursuit :
" Musicien, poète et chansonnier, Jean Blaire est l’auteur de notre chant de Groupe, ainsi que de bon nombre d’autres chants dont le succès dura longtemps à la 37 !

Vos chefs se rappellent encore la chanson des intendants (1933) :

“ C ‘est ma ceinture que je ne retiens plus,
_Et, si ça dure, je n’en mettrais plus ”

Il y avait aussi un chant de marche, sur un air d’allure martiale, dans lequel, un brave homme de Visage Pâle demandait :

“ Dis-moi mon gars, qu’est-ce qu’il faut faire
Pour être un boy-scout merveilleux ?
J’étais autrefois militaire
J’ai du métier, çà gazera mieux... ”

A quoi les scouts répondaient, sur un air éclatant de trompette :

“ Bien loin d’être des militaires
Mon cher monsieur, nous sommes bien mieux ;
Des petits gars prêts à tout faire
Pour que le monde soit heureux. ”

Au cours de chaque camp, il nous donnait des chants satyriques ou d’actualité, (La plupart n’ont pas dû être conservés), commémorant les évènements joyeux ou pittoresques du camp, comme une “ cantate ” pour la visite de Monsieur le Curé de Charonne en 1932 :

“ Bonjour Monsieur le Curé
C’est gentil d’être venu, ”

Ou la chansonnette de 1931 qui mettait en cause un nez célèbre par sa faculté de rougir et peler au soleil avec la plus grande promptitude :

“ J’avais un nez
Frais comme un bouton de rose. ”

Aujourd’hui Monsieur l’Abbé Jean Blaire, Aumônier de la 5ème Arras, n’a pas renié son talent, puisqu’il a publié, pour les scouts, un recueil d’harmonisation de chansons vieilles et nouvelles : “ Cigalons ”, dont Claude Albe, au début de la Chorale, nous fait chanter “ Ma Normandie ”.

Nous possédons en archives un exemplaire de ce recueil " Cigalons " qui comprend quelques créations de l’auteur. Jean Blaire devait par la suite continuer de composer et d’harmoniser des chansons et cantiques et il jouait de l’orgue et du violoncelle. Son neveu Louis René, qui estime que Jean Blaire avait un sens aigu du contrepoint et de l’harmonie, a numérisé un cantique que Jean Blaire a harmonisé " Il est né le divin enfant ", effectivement superbe. Marcel Catusse explique que Jean Blaire rédigeait ses chants dans le train et les scandait au rythme du passage des roues sur les extrémités des rails qui à l’époque n’étaient pas soudés... En tout cas Euterpe accompagne la famille Blaire !

Il y a parmi les archives une feuille de 1943 et une autre de 1945 qui présentent les paroles du chant de la 37ème. Malheureusement, nous n’en avons pas la partition musicale, mais des anciens du Groupe savent encore la chanter. Qui réécrira la Musique ?

Chant de la 37°

(Paroles et musique de Jean Blaire)

REFRAIN
Scout de la trente septième
Ce nom que ton cœur aime
Vas-y joyeux et fonce toujours devant
Te donnant sans retour et simplement
Sans crainte et sans souci ; vas-y gaiement
Ohé les gars !
Que ton âme sereine
Par les bois et la plaine
Rayonne dans tes chants joyeux
Prêt à servir et de ton mieux.

I
Veux-tu vivre l’âme joyeuse
Le regard plein d’entrain
Le visage serein.
Entendre la voix délicieuse
Du soleil radieux
Des forêts et des cieux

II
Jadis au début de l’histoire
Les grands de maintenant
Etaient petits seulement
La troupe apparut à sa gloire
Au moment où Hathi
Etait encore petit.

III
Partout sur les routes de France
Des montagnes aux bois
De la mer à l’Artois
Nos chants, nos choeurs, nos espérances
Rayonneront joyeux
Dans les camps merveilleux.

IV
Enfant dont l’âme est toujours franche
Le joyeux louveteau
Vit son rêve si beau
Plus gai que l’oiseau sur la branche
Il met tout son entrain
Dans ce joyeux refrain.

V
Les scouts marchent la tête haute
Du matin jusqu’au soir
Au chemin du devoir
Pour tracer la route sans faute
Ce sont les vieux routiers
Qui marchent les premiers

VI
Et quand Dieu viendra nous reprendre
Pour retourner au camp
Qui là-haut nous attend
Nous irons joyeux pour nous rendre
Au Grand Rassemblement
Vivre éternellement.

“ A la même époque le Clan reçut un Chef. Il y avait alors deux patrouilles de Routiers : “ le Vieux Loup ” et “ Guynemer ”.
Souvenez-vous du Toulonnais, grand, maigre et barbu, qui vint un soir d’été il y a deux ans, vous parler de l’Indochine ! En 1932, Raoul Serène (qui se mariera avec Georgette Odoul, et de deux, attendez, ce n’est pas fini !), nous arrivait du pôle Nord, où il avait accompagné le Commandant Charcot, comme océanographe. Jusqu’en 1939, on conserva au local de la Route, un manche de hache réparé avec un filin du “ Pourquoi Pas ”, sur lequel Raoul avait accompli le dernier voyage dont ce beau bateau devait revenir. Au voyage suivant, l’expédition Charcot se perdît corps et biens, du côté de la mer de Béring.
Avec sa verve méridionale il savait comment communiquer son amour pour les choses et nous parla tant de sa Provence, que nous y allâmes y camper l’été suivant !

Il était ami de Léon Chancerel, le créateur des Comédiens Routiers et avait adapté pour eux un conte provençal : " le Tambour de Roquevaire " (1933), qui tint une grande place dans le nouveau “ Théâtre Scout ”, ainsi qu’une “ Pastorale ” ou célébration de la Nativité du christ, dont les " Noëls Routiers " subissent parfois encore l’influence. ”
Raoul Serène faisait partie de la promotion d’honneur des Comédiens Routiers. Il fut instructeur au Centre Dramatique Scout, forma la première équipe d’apprentissage des Comédiens Routiers et était le régisseur du " Jeu de Lourdes ". Il fonda le Théâtre Scout d’Indochine.

La meute campe du 14 au 16 juin , à la Pentecôte, à Boissy Saint Léger.

" En été 1932, traçant par rapport au dernier camp une diagonale à travers la France, nous allons dans le Pas de Calais. C’est à Pas-en Artois, où demeure la famille Blaire, qui nous accueille, aux confins de l’Artois et de la Picardie.
Camp reposant, en pays plat : ce que les habitants appellent " ch’montagne " est une colline de trois cent mètres au plus. La petite rivière est très froide, car elle coule sous les arbres, dans un pays déjà pas bien chaud. Pas mal de pluie aussi, qui ne nuisait d’ailleurs pas à la joie, même au cours des excursions en camions. Nous fîmes connaissance avec l’architecture déjà un peu flamande, que nous retrouverons trois ans plus tard en Belgique. Nous traversons Doullens, Arras, Amiens. Nous allons à la mer : Berck, triste avec ses enfants allongés, et Paris-Plage, qui connaissait une grande vogue à l’époque, et où l’on pouvait à peine poser les pieds sur le sable, tant y étaient nombreux les gens couchés au soleil. "

Marcel Catusse, monté à la troupe cette année là aux Rouge-Gorges, avec Robert Guillot comme CP (R. Obéron est premier CP), est impressionné par les baigneuses “ en pyjama ”, large pantalon très ample, et large capeline. A l’époque il était très mal vu d’être bronzé, cela faisait vulgaire !

(...) Le point culminant de l’intérêt fut la visite des champs de bataille du Nord, surtout deux hauts lieux de la région : l’ossuaire de Lorrette, surmonté d’un phare, et les tranchées de Vimy (c’est là que, rencontrant l’évêque d’Ajaccio, un louveteau à qui il tendait son anneau à baiser, lui serra la main à la grande confusion de l’Abbé Fabre).
Pour la première fois, nous avons mangé au camp, dans une vraie salle à manger. Plus tard, nous verrons qu’en Belgique, il y eut des restaurants. Le docteur et madame Blaire, les parents de nos chefs, nous avaient invité à dîner, et il leur fallut une table d’une longueur vraiment imposante pour y faire asseoir tout le Groupe (nous étions une cinquantaine).
Quelques jours plus tard, nous les invitions à notre tour, au camp, à l’occasion de la visite de Monsieur le Curé de Charonne.
Nous campions sur les terres d’un brasseur, qui avait offert de la bière pour la circonstance, et la table d’honneur était dressée sur des tonneaux. Le repas préparé par les cheftaines, était servi par les CP en tablier blanc avec la serviette sur le bras, tout à fait dans les règles.
En rentrant de ce camp, Raoul Serène nous quitta pour faire son service militaire dans la marine, en Indochine.

En 1932 et 1933, les mêmes chefs restent à la tête des unités : Jean Blaire à la Troupe et Georgette Odoul à la Meute. Ils ont pour assistants Roger Odoul, CP des Ramiers qui quitte sa patrouille pour la Scoutmaîtrise après le camp, et Blanche Chevalier.

1933

Les 14 et 15 janvier, une autre " grande fête d’hiver " est organisée, cette fois sous la présidence du Chanoine Cornette. Au programme : " fantaisie sur vieux airs scouts " par l’orchestre, " Bicot se fait louveteau " par la meute, " Pastorale provençale " par la route " et " argent de suite " par la troupe.

La meute campe à la Pentecôte, du 3 au 5 juin à l’Ecole Saint Nicolas à Rueil : prix : 20F voyage compris ! Paul Dufourcq est sizenier, André Le Duc obtient la deuxième étoile.
Puis c’est encore une fête le 19 juin, une " Kermesse des Provinces françaises avec stands, danses et costumes régionaux. "

Léon Catusse décrit le grand camp de cette année 1933, et son récit révèle des détails sur le mode de vie scoute de l’époque :
“ 1933 fut marqué par un camp riche en évènements. Raoul Serène nous avait tant parlé de sa Provence que nous avons décidé d’y aller camper.
Nous arrivâmes donc à Sanary, près de Toulon, où le mistral nous attendait. Il fallait maintenir les toiles avec de grosses pierres au grand dommage des têtes des dormeurs agités. Monsieur l’Abbé Fabre avait cru astucieux de poser sur les bords de sa tente les pieds de son lit de camp (ses reins lui interdisait absolument de dormir à terre), croyant obtenir une fixation. L’Aumônier avec sa tente était soulevé par le vent, il dû chercher asile en pleine nuit dans une tente de patrouille.
Avec le vent, le soleil. Les intendants achetaient le talc par livres pour saupoudrer les épaules des imprudents qui, dès les premiers jours, s’étaient contentés d’un maillot de corps comme tenue de camp.
De tous mes camps c’est le seul d’ou la pluie ait été absente, mais, hélas ! le feu en profita. Cela commença par la bergerie de la propriété de nos hôtes. L’incendie déclaré par une cause non définie (...) en peu de temps il ne restait plus rien de la bergerie en bois. Comme nous étions en haut d’une colline, il n’y avait qu’un puits très profond, d’où l’eau était tirée par une noria, sorte de chaîne à godets mue par un cheval, et cela ne débitait pas beaucoup. Nous avons essayé de sortir les moutons, mais, dès qu’on en lâchait un à quelque distance, il retournait dans le feu : environ quatre-vingts sur cent vingt furent brûlés.
Puis, dans la dernière semaine du camp, nous eûmes un spectacle semblable à celui qui vient de se dérouler dans les landes. Une immense forêt de pins brûlait, et le vent qui poussait l’incendie (vers la mer heureusement) portait les gaz échauffés et les escarbilles parfois à plusieurs kilomètres, où un nouveau foyer s’allumait. Ne sachant pas à quelle distance se trouvait l’incendie masqué par les collines, les routiers et la patrouille aînée? ont veillé toute une nuit, pour surveiller la marche du feu, dans la crainte qu’il ne gagne la colline où nous campions. ”

Marcel Catusse se souvient que l’abbé Fabre fut ensuite à l’affût du moindre morceau de verre ou boite de conserve susceptibles de mettre le feu...

“ A côté de ces souvenirs tragiques nous avons gardé ceux d’excursions splendides. En trois jours, nous avons parcouru toute la Côte d’Azur, jusqu’à la frontière italienne, puis nous sommes revenus par l’intérieur de l’Esterel.
A l’arsenal de Toulon, nous avons pu visiter le croiseur Foch, et admirer toute l’escadre de la Méditerranée, réunie à ce moment dans la rade. Nous avons vu toutes les villes de la côte, célèbres stations de villégiature. Les garçons ont été vivement frappés par une végétation nouvelle pour eux : palmiers et plantes exotiques, dans les rues et les jardins. Au retour, nous sommes passés à travers les gorges du massif de l’Esterel et les champs de fleurs de Grasse.
A la fin du camp, deux d’entre nous partaient représenter le Groupe au Jamboree de Godollo en Hongrie, et Jean Blaire nous faisaient ses adieux pour entrer au séminaire. Il fut remplacé, en octobre, par Roger Odoul, le premier chef sorti de la troupe, alors que ses prédécesseurs venaient tous de la 25ème Paris. ”

Marcel Catusse ajoute à ces souvenirs que les routiers André Schlesser, Denis Gaumé, Léon Catusse et Max Ménager s’étaient chargés de l’intendance, et qu’à la porte de l’église de Sanary était affichée “ les personnes du sexe sont priées de ne pas entrer dans l’église en pyjama ”.

PS

Cet article était originellement publié sur Scout un jour, un site animé entre 2004 et 2014 par des passionnés de l’histoire des Scouts de France.

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