C’était 12 jours avant Wikipedia créé le 15 janvier 2001, mais ça, personne ne le savait encore vraiment.

C’était encore une époque où on accumulait les CD avec des heures gratuites d’Internet, et où les plus chanceux avaient l’ADSL à la vitesse faramineuse de 128k, voire 512k pour les plus fous.

Les moteurs de recherches performants n’existaient pas (Google commençait à arriver). Evidemment les réseaux sociaux encore moins. Mais la messagerie instantanée était déjà là avec ICQ et l’arrivée progressive de Yahoo Messenger.

A ce moment là, de nombreux chefs et cheftaines scouts se lançaient dans la création de sites internet pour présenter leur groupe, leur association, le scoutisme, avec des premières photos numériques.

Ces webmasters, pionniers du web scout, étaient regroupés dans une mailing-list, des egroups comme on disait à ce moment là : un réseau social par mail. On envoie un mail à la liste, tout le monde le reçoit et on se répond ainsi.

Ces egroups étaient animés par Philippe Giron, alors en équipe nationale Scouts de France. Un visionnaire, alors que le directeur de la communication de cette même association répétait "nan mais Internet, ça ne marchera jamais".

Et en bons français, en bons chefs et cheftaines Scouts de France, ces e-groups étaient un espace de libre expression ... donc aussi pour râler.

Précisons en plus que les motifs pour râler ne manquaient pas vraiment. Le scoutisme allait mal à ce moment-là. Les effectifs fondaient comme neige au soleil, tellement que des doutes existaient sur le nombre réel d’adhérents. Deux drames avaient eu lieu quelques années avant : le drame de Perros-Guirec en 1998, et le décès de deux scoutes en explo en 2000, avec la Une des médias à chaque fois.

Le déclencheur : le nouveau site Scouts de France

Dans cet ancien temps, le site Scouts-France.fr existait déjà. Merci à l’Internet Wayback Machine pour son formidable travail d’archivage du web. Nous le retrouvons.

Quelques fiches techniques, des informations pratiques, des ressources, le site présentait ce qui était utile aux unités. Mais surtout, il contenait un annuaire des différents sites scouts.

Du web participatif, comme on l’aime à ce moment là. Mais commencent déjà des histoires inhérentes au web participatif et surtout à un média tout nouveau : la parole d’un site local pouvait valoir autant que la parole d’un site web national. Ainsi à mon niveau, une phrase malencontreuse sur une rénovation de la promesse a généré un article dans la presse que les Scouts de France ont dû désamorcer. Là un site web présentait toutes les photos du camp, y compris de jeunes filles en maillot de bain, oubliant que tout le monde y avait accès, etc.

Décision est prise de revoir le site internet national et de couper les liens vers les sites d’unités.

A l’époque où Google n’existait pas vraiment encore, les webmasters de sites d’unité ont vu ça comme un déréférencement, comme la volonté de tuer l’accès à leur site et à la visibilité de leur travail. C’est comme si aujourd’hui, on disait à Google de supprimer les sites scouts. Sauf que Google, c’était en quelques sortes le national Scouts de France à ce moment-là. Et sur les e-groups, devenus yahoogroups entre temps, ça ralait fort. Très très fort.

Pendant ce temps là ...

Dans le même temps des initiatives incroyables avaient lieu. Certains sites internet étaient de grande qualité et proposaient des fiches techniques très intéressantes. Ecrites par des chefs et cheftaines, partagées à tous et toutes, sans aucun aval d’une structure scoute jugée trop "verticale". Mais à chaque fois qu’un auteur d’un site arrêtait le scoutisme, le site était à l’abandon, voire disparaissait. Adieu les jolies ressources.

Patrice Tran vers cette époque, chef scout à Orsay, monte le site scouts-france.org. Un site complètement fou pour l’époque : fédérer les énergies, proposer des ressources communes, pérenniser les ressources créées sur les différents sites, créer des adresses mails en scouts-france.org. Oui parce que à cette époque, si le site Scouts-France.fr appartenait bien aux Scouts de France, les webmasters malicieux et indépendants, possédaient les autres noms de domaines scouts-france.org, scouts-france.com et scouts-france.net. Heureusement, cela restait des scouts et non des plus pervers qui auraient pu acheter ces domaines pour un tout autre usage.

Problème, c’était encore une initiative individuelle, avec un fort risque de pérennité. Et surtout, étant seul, il a du mal à le lancer à la vitesse qu’il voudrait.

Le lancement

En novembre 2000, le nouveau site Scouts de France est lancé. Difficile de le montrer, il était en Flash (qui n’existe plus depuis ce 1er janvier 2021). Il était beau (pour l’époque), mais vide. Quelques présentations institutionnelles, rien de plus. Même 3615 SCOUTEL, le site minitel, racontait plus de choses.

Alors ça râle, ça râle, ça s’énerve, ça refait le monde ... Et puis se passent les fêtes de fin d’année et de changement de millénaire.

Le 3 janvier 2001, à 19h29, Chamois lance un mail sur le YahooGroupe, le mail qui lancera l’initiative "Scouts-France.net", avec des webmasters scouts des 4 coins de la France (et de Suisse) qui ne s’étaient encore jamais vus, jamais parlé "en vrai", uniquement via ces mails.

Scouts-France.net deviendra en cours d’année LaToileScoute.net, tout collé et avec ses majuscules placées en plein milieu du mot, quels rebelles !

Ils ne sont pas si nombreux, citons-les : Guillaume P, Grégoire (Chamois), Patrice, Johann (Yo), Laurent (Lolo), François N, et moi ... Seb, l’auteur de l’article. Ils sont rejoints un peu plus tard par Chloé, Bénédicte, Guillaume (Louvix), Ludo (Lgv), Nicolas (TaupeR), etc.

Guillaume Ponçon réalisera une grande partie du développement en php lors d’un stage aux Scouts de France, réalisé grâce à Gabriel Leroy, responsable informatique des Scouts de France à l’époque, malheureusement disparu il y a quelques mois. Encore merci à lui.

Le 18 mars 2002, le site est officiellement lancé. Mais ça, on en reparlera probablement dans 15 mois !

La vidéo des 10 ans faite par Jean Werlen qui récapitule la suite de l’histoire :